Texte initialement publié sur la page Facebook d’Olivier Faure
Paris le 9 octobre. Porte d’Aubervilliers.
Les automobilistes détournent le regard ou, au contraire, jette un œil curieux, suspicieux, dégoûté, ou apitoyé – c’est selon – sur cette enclave de 50 mètres de long sur 15 mètres de large. Un cloaque où 800 personnes survivent, entassées sous des tentes plantées sur des palettes de chantier. Deux allées de boue ordonnent les rangées de toiles tendues.
Il fait 17 degrés mais le vent souffle fort en cet après-midi d’octobre. Des réfugiés afghans et pakistanais, comme la majorité des « habitants » du campement, se réchauffent autour d’un feu de cagettes. Plus loin un vieil irakien et sa femme mangent dans une gamelle à même le sol. Une jeune fille de quinze ans passe la tête hors de son tipi pour tenter de comprendre les raisons de cette visite. Des sièges d’enfants posés à même le sol, maculés par la gadoue nous laissent penser que le site accueille encore des enfants en bas âge.
Dans ce campement se croisent des destins faits d’exils et de parcours difficiles, pour rester dans l’euphémisme. Il y a ceux qui ont déposé un dossier de demande d’asile et qui attendent. Il y a ceux qui ont obtenu le statut de réfugiés mais qui sont restés dans la rue, faute de proposition d’hébergement.
A une centaine de mètres une camionnette de Médecins du Monde. 3h30 de présence, trois fois par semaine. Une cinquantaine de consultations par après-midi. Quelques minutes pour chacun. On est loin, très loin du « tourisme médical »…
Les patients ne sont d’ailleurs pas venus faire soigner des pathologies exotiques importées de l’étranger. Ils viennent se faire soigner des maladies de ceux qui vivent dans la rue, au premier rang desquelles, la gale. La rue détruit progressivement les plus solides. Sur le plan physique mais aussi psychique. La violence s’est installée aussi, liée à la trop grande promiscuité, à la précarité, à l’absence de perspectives claires.
Plus loin c’est le véhicule de France terre d’asile qui est stationné pour une permanence juridique. Là aussi le témoignage des travailleurs sociaux contredit tous les préjugés. La grande majorité des « migrants » ignore tout des droits qui leur sont potentiellement accordés. Ils ont fui sans viser un quelconque « Eldorado » social. Ils ne sont pas venus pour l’Aide Médicale d’Etat. Plus étonnant, la plupart des primo-arrivants ne savent pas davantage qu’ils peuvent demander l’asile dès lors qu’ils sont menacés dans leurs pays d’origine. Pas de « shopping de l’asile »…
Et les associations, les syndicats, les maires alertent. L’hiver arrive. Des drames se préparent.
Et l’un des sept pays les plus riches du monde n’aurait pas les moyens d’assurer un accueil digne pour une poignée de réfugiés ?
Je suis conscient du fait que, rappeler l’Etat à ses responsabilités en cette matière, n’est pas populaire. Qu’il vaudrait mieux fermer les yeux et passer à autre chose. Se limiter à verser une larme puis l’essuyer rapidement après chaque nouveau bateau qui chavire, chaque photo d’enfant gisant comme une épave sur les plages d’Europe. Tenir un discours lénifiant sur le « moins d’accueil pour un meilleur accueil ». Je sais tout cela. Je sais aussi que notre histoire a été plus généreuse. Que nous sommes le produit de brassages, que notre pays tire sa richesse de tous ces parcours et métissages.
Et puis pour vous dire les choses aussi crument qu’elles me viennent, je ne me résigne pas à ce qu’un être humain puisse être moins considéré qu’un chien.
Au moment où nous prenons conscience que nous n’avons qu’une seule planète, rappelons-nous qu’il n’y a pour l’habiter, qu’une seule humanité.
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